Après avoir grandement festoyé avec vos amis d’un soir dans une taverne dont le nom vous échappe, vous décidez de rentrer chez vous, retrouvant ainsi l’atmosphère calme et apaisante du chez-soi.
Ayant oublié jusqu’à la raison de votre visite dans cet empire de la beuverie, vous vous affalez sur votre lit en plume de tofu et dormez d’un sommeil de plomb, sommeil dont vous êtes privé depuis si longtemps.
Dès l’aube, des douleurs vous tambourinent le crâne et l’estomac, vous vous redressez et remarquez, par terre sur le plancher, un petit livre de cuir qui dépasse de la poche du pantalon que vous aviez négligemment balancé de votre lit. Vous vous en saisissez, le faites tourner entre vos mains et vous rappelant du même coup des souvenirs faussement imprégnés, les prenant ainsi pour vos rêves alcoolisés.
Cependant, alors que vous remarquez une fine brèche dans la couverture du livre, vous découvrez qu’un petit papier, assez mal conservé il faut l’avouer, dépasse de l’ouverture maladroite. Vous vous en saisissez, et commencez alors votre lecture.




Ma vie n’est qu’une suite tragique d’événements, parfois plus improbables les uns des autres.
Cette vie est trop éloignée pour me permettre de me souvenir des détails les plus petits, les dates qui apparaissent ne sont donc parfois pas les bonnes.
Cependant, malgré l’inexactitude de ces éléments, voici ce dont je me souviens de ma vie nouvelle et de celle que j’abritais autrefois.
J’écris mes souvenirs au jour le jour, destinée de ma mémoire erratique.
Ceci n’est pas seulement l’histoire de ma vie, mais aussi de l’Histoire elle-même.

Landes de Sidimotes, 638, Septange, 9.

J’ai vu la mort s’emparer de ceux qui donnaient la vie et de ceux qui la recevaient. J’ai vu les milliers d’âmes innocentes s’en aller, chaque jour que fait le monde encore plus nombreuses. J’ai vu des atrocités que nul homme, nul femme ou nul enfant ne devrait regarder dans les yeux. J’ai côtoyé la mort bien trop de fois pour être considéré encore comme humain. Alors même que Iop m’accueillait, j’ai été refusé à m’en approcher, dénaturé par les actes que j’ai commis et par ceux que j’ai vu commettre. Alors même que je me dirigeais vers Rushu, le seul qui pouvait encore m’héberger, le Roi des Démons m’a éconduit des Portes de l’Enfer, trop monstrueux que j’étais pour y entrer. La pire des punitions que Djaul ait pu faire à l’humanité et la plus exécrable à mon égard, fut de me renvoyer fouler les terres toujours imprégnées du sang que j’ai fait couler d’Amakna.

Landes de Sidimotes, 638, Septange, 9.

J’ai vécu les événements les plus importants de notre aire, bien avant ma « résurrection ».
Je suis né avant la déforestation des terres d’Amakna qui a chassé les Wabbits du continent et je les ait vus coloniser l’Ile des Lenald. J’ai connu la fureur des Dieux s’abatant sur notre monde. Du jour au lendemain, ma demeure encore modeste en a été la victime, témoin réduit en cendre et en ruines des caprices de la nature : un ravin mutilait mon salon, coupait les rues et isolait les habitants des un des autres.
J’ai assisté à la naissance d’une nouvelle terre, Tainéla.

Presqu’Île des Dragœufs , 638, Septange, 10.

Je sillonne le monde, vagabondant avec le peu d’affaires qu’il me restait dont j’avais encore l’utilité. Je me muni donc d’une épée de boisaille, d’une paire de chaussure de marche, d’une couverture et des quelques vivres que les rats on bien voulu me laisser. Un dernier coup d’œil aux restes de me maison, qui je ne sais par quel miracle tenait encore debout, et c’est avec la larme aux yeux que je me rendis compte que l’errance ne serait plus que le seul pilier de ma vie.
Je me dirigeais donc vers le seul lieu dont je connaissais l’existence : Tainéla.

On disait de ce lieu qu’il avait été façonné par les Dieux, et qu’ils y avaient eux-mêmes construit la ville et ses murailles.
Cependant la route est longue et parsemée d’embuches, j’établis alors un « campement » pour essayer de passer la nuit : un feu me fournirait chaleur et sécurité pour cette période nocturne.
A peine allumé, les Moskitos affluaient et je m’avisais de bien m’emmitoufler dans ma couverture pour ne pas finir dévorer par ces insectes buveur de sang.

Presqu’Île des Dragœufs , 638, Septange, 11.

Je passai une nuit entrecoupée de cauchemar mais néanmoins calme. J’arriverai à ma destination au crépuscule, fatigué certes, mais en un seul morceau.

Vous remarquez alors que la feuille est déchirée à cet endroit, et ces derniers mots sont les seuls que vous arrivez encore à déchiffrer.
Vous regardez alors au verso, espérant que la suite y était inscrite. Cependant, la seule chose que vous arrivez à discerner est une carte de l’ile des Wabbits, avec ou courte légende :

Djaul cherche à en savoir plus sur la raison de mon retour sur le monde d’Amakna. Aussi, la suite est cachée, à l’abri des rafales de vent et de la houle de la mer sous la surveillance d’un ami autochtone. Cherchez là où personne n’oserait chercher.

Iopopof

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